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The Merge : comment Ethereum est passé au Proof-of-Stake ?

3 avril, 2024

11 min

The Merge : comment Ethereum est passé au Proof-of-Stake ?
débutant

La blockchain d’Ethereum a changé de mécanisme de consensus : le Proof-of-Work a été remplacé par le Proof-of-Stake. C’est le point culminant d’un plan pluriannuel. Le nouveau consensus layer PoS a été fusionné à la chaîne principale, dans un processus appelé The Merge. Cette mise à jour écolo a été comparée à un changement de moteur d’un avion en marche : on passe de l’essence à l’électricité, du minage au staking !

Découvrons ce qu’est la Beacon chain, le composant qui a fait d’Ethereum 2.0 un réseau Proof-of-Stake, comment The Merge a eu lieu et ce que la future feuille de route de la Ethereum Foundation envisage.

La vision d’Ethereum : l’ère Serenity

Qui sait qui serait Vitalik Buterin aujourd’hui si le Bitcoin n’avait jamais existé. Sans le “système p2p pour une monnaie numérique” de Satoshi Nakamoto, le créateur d’Ethereum aurait-il encore cru à la réalisation d’un “ordinateur mondial“, capable de décentraliser n’importe quel processus ?

Qui sait ? Nous ne pouvons qu’imaginer. Par contre, l’histoire nous a donné Ethereum, le deuxième projet le plus important du monde de la crypto après le Bitcoin, sous la bannière de la programmabilité de la blockchain. Cette qualité, soutenue par les smart contracts, s’est développée progressivement à travers l’évolution du protocole. Il s’agit d’un plan défini dès le début, conçu en 4 “ères” : Frontier, Homestead, Metropolis et Serenity.

Ce post de Vinay Gupta présente les étapes d’Ethereum dès 2015, juste après l’Initial Coin Offering (juillet 2014). En particulier, Serenity prévoyait un changement substantiel pour Ethereum : l’algorithme de consensus Proof-of-Work (PoW) serait remplacé par le Proof-of-Stake (PoS). Les blocs de la blockchain d’Ethereum seront donc validés par des nœuds disposant d’ETH en staking et non plus par le biais du minage.

En passant de PoW à PoS, Ethereum a éliminé la consommation d’énergie liée au minage et a empêché la centralisation de la production des blocs en raison de la spécialisation du matériel des mineurs. Ces avantages, ainsi que d’autres, du PoS par rapport au PoW, ont favorisé la vision à long terme d’Ethereum en matière d’évolutivité, de sécurité et de durabilité.

Serenity n’était toutefois qu’une déclaration d’intention : les mises à jour techniques spécifiques pour réaliser ce programme pluriannuel n’auraient évidemment pas pu être planifiées aussi longtemps à l’avance. Néanmoins, l’explosion de la “difficulty bomb“, le programme qui a fait passer le mécanisme de consensus vers le Proof-of-Stake, avait déjà été planifiée.

D’Ethereum 2.0 à The Merge : la difficulty bomb

Des années plus tard, la transition d’Ethereum du PoW vers le PoS est désormais une réalité. Le plan Serenity a réussi, mais sous un autre nom : “The Merge“. En bref, ce processus est la fusion entre le nouveau consensus layer Proof-of-Stake, appelé Beacon chain, et le mainnet (ou execution layer) d’Ethereum, qui remplaça ainsi l’ancien Proof-of-Work.

Ethereum a utilisé cette “double couche” pour tester et mettre à jour le mécanisme du Proof-of-Stake, sans risquer d’interférer avec les processus importants (et coûteux) de la blockchain principale. La communauté a toutefois traduit cette stratégie en un récit qui, du moins pour l’instant, est trompeur. Il n’y a pas de “eth1” et de “eth2”, tout comme l’appellation “Ethereum 2.0” n’est plus exacte, même si elle est largement utilisée. Comme expliqué sur cette page, la feuille de route a évolué et il n’y a qu’un seul “Ethereum”. The Merge n’est pas une suite, le produit est bien unique. Cette clarification vise également à protéger la communauté contre les tentatives d’escroquerie, telles que l’essor de faux tokens ETH2.

Plusieurs alternatives ont été proposées pour mettre en œuvre le passage vers le Proof-of-Stake d’Ethereum, jusqu’au choix de la fusion avec la Beacon chain. Par contre, l’objectif a toujours été le PoS. En lisant l’historique des mises à jour, on constate en effet que le mécanisme d’incitation à la modification de l’algorithme de consensus avait déjà été introduit dans la mise à jour Frontier Thawing (2015) : la difficulty bomb.

En résumé, la difficulty bomb est une augmentation exponentielle de la difficulté du minage qui, en rendant les calculs du mineur trop complexes, empêche la production de nouveaux blocs. Ce mécanisme a été programmé pour “geler” la blockchain Proof-of-Work d’Ethereum dans un soi-disant âge de glace. A ce moment-là, la seule alternative pour les nœuds a été de soutenir the Merge avec la Beacon chain, et donc de passer à la version Proof-of-Stake d’Ethereum. C’est précisément ce qui s’est passé le 15 septembre 2022.

Le début du “compte à rebours” jusqu’à l’explosion a été reporté d’une mise à jour à l’autre, jusqu’à ce que le nouveau consensus layer PoS soit prêt pour The Merge .Nous allons donc nous plonger dans ce qu’est la Beacon chain et voir comment on peut faire du staking sur Ethereum.

Comment fonctionne le staking sur Ethereum et la Beacon chain ?

Vitalik Buterin a parlé de Proof-of-Stake dès 2014 : dans ce post, il vantait les avantages de l’algorithme de consensus PoS créé par Sunny King, mais soulignait l’absence de mécanisme pour sanctionner les comportements malhonnêtes. En bref, pour contrer les risques d’attaques à 51% et de double dépense, Vitalik a proposé d’introduire le “slashing” : les validateurs malhonnêtes perdent leur récompense de bloc et une partie de leur stake.

Ce concept a été appliqué à la Proof-of-Stake d’Ethereum, ainsi que d’autres règles. Voici comment le staking fonctionne sur Ethereum 2.0 : toutes les 12 secondes, un nœud en staking est choisi au hasard pour produire un bloc. Après quoi, les transactions empilées sont réexécutées par un groupe de validateurs, également aléatoires, afin de “voter” sur leur validité. Les blocs jugés corrects par la majorité sont ensuite ajoutés à la blockchain, les autres sont rejetés.

En outre, il existe pas moins de 4 options de staking sur Ethereum, déjà présentées dans cet article sur le staking. En général, on te demandera 32 ETH pour ouvrir un nœud, mais tu peux aussi déléguer des sommes plus petites à des pools de staking. Tu peux également  bloquer tes ETH dans certains exchanges décentralisés, tout en partageant les récompenses de validation.

En tout cas, dans le réseau Ethereum, chaque nœud a une chance égale d’être choisi pour produire un bloc. De plus, le pouvoir de vote, conféré par le staking lors du processus de validation, est toujours proportionnel au stake réel du nœud. C’est une valeur qui ne peut dépasser les 32 ETH. En bref, les validateurs peuvent mettre autant d’ETH en staking qu’ils le souhaitent, mais leur “poids” ne peut jamais dépasser ce seuil. Il s’agit d’une autre mesure d’anti-centralisation. Les pénalités de slashing peuvent évidemment aussi décroître le montant total mis en staking.

Ces “lois” ont été codifiées dans la Beacon chain, qui a été maintenue par le nouveau réseau de nœuds en staking, indépendamment de l’execution layer. En fait, avant The Merge ces derniers ne certifiaient pas les transactions du réseau principal PoW, mais participaient seulement au consensus sur les budgets des autres. L’utilisation de la difficulty bomb, combinée à cet expédient, a permis de simuler The Merge sur trois réseaux de test : Ropsten, Sepolia et Goerli. Ensuite, le 6 septembre 2022, la mise à jour Bellatrix a préparé la Beacon chain pour la fusion avec le réseau principal, qui, comme prévu, s’est produit le 15 septembre avec la mise à jour Paris.

The Merge a permis de regrouper la Beacon chain et le Mainnet d’Ethereum en une seule blockchain, en raison de la difficulty bomb. En fait, une fois que la difficulté extrême prédéterminée du minage (total terminal difficulty) a été atteinte, il est devenu impossible de produire davantage de blocs par la méthode Proof-of-Work. Cela a stimulé le passage à la méthode Proof-of-Stake. Le processus a permis à Ethereum de préserver “l’ historique” contenu dans les blocs précédents, en reliant directement le premier bloc PoS au dernier bloc PoW.

La prochaine étape après The Merge devait, nécessairement, permettre aux stakers d’Ethereum de retirer leurs ETH bloqués sur la Beacon Chain. Cela s’est produit le 12 avril 2023. Si vous souhaitez approfondir cette mise à jour, vous pouvez lire notre article de blog dédié !

The Merge et Shanghai n’ont été que la première et la deuxième étape de la nouvelle roadmap d’Ethereum : la décentralisation et la scalabilité seront les objectifs futurs et le sharding est le premier mécanisme qui sera introduit dans les prochaines mises à jour.

Post-Merge : les dernières mises à jour d’Ethereum

Les plus attentifs auront remarqué que, dans la roadmap originale d’Ethereum, l’implémentation du sharding devait précéder The Merge. La première forme de cette solution de scalabilité, cependant, a été rendue obsolète par la diffusion des Rollups Layer 2, faisant ainsi de la transition d’Ethereum vers le PoS une priorité.

The Surge, un paquet de mises à jour immédiatement postérieur à The Merge selon la Roadmap, a réintroduit le sharding sous une nouvelle forme, dans la nouvelle approche de Danksharding.

Cette étape importante pour Ether contient de nombreuses mises à jour dont l’objectif principal est de rendre les rollups d’Ethereum beaucoup plus économiques. Comment ? Grâce à la division horizontale de sa blockchain en ce qu’on appelle des “blobs” : des paquets de transactions beaucoup plus légers.

La première étape de ce processus, qui a été achevée en mars 2024, était le Proto-Danksharding, activé grâce à la mise à jour Cancun + Deneb (Dencun) ou EIP-4844. Cette mise à jour a introduit une nouvelle méthode, plus économique, pour ajouter des données aux blocs.

Après l’activation de Dencun, les blobs mentionnés ci-dessus sont automatiquement supprimés après une période de temps fixe (1-3 mois). Cela signifie que les rollups peuvent envoyer leurs données de manière beaucoup plus économique, ce qui se reflète sur le coût des frais de transaction.

Cependant, le Danksharding n’est pas encore terminé. Lorsqu’il le sera, il sera possible de libérer une énorme quantité d’espace sur la blockchain, utilisable par les rollups qui souhaitent stocker les données de leurs transactions. En d’autres termes, cela permettra à Ethereum de soutenir des centaines de solutions de scalabilité avec facilité, étant capable de traiter des millions de transactions par seconde.

Cependant, la roadmap d’Ethereum ne concerne pas uniquement la scalabilité, et donc la vitesse, le coût et le nombre de transactions traitables. Le réseau créé par Vitalik Buterin travaille également à améliorer l’expérience utilisateur, à augmenter la sécurité et à imperméabiliser son infrastructure contre les défis futurs. Voici les prochaines étapes dans ce sens :

  • The Verge : implémentera les “Verkle Trees” et les “stateless clients””, réduisant ainsi les exigences hardware pour ouvrir un nœud.
  • The Purge : rendra le réseau Ethereum plus efficace et accessible, réduisant l’espace de stockage requis par les nœuds, car il ne sera plus nécessaire de conserver l’ensemble de la “chronologie” de la blockchain.
  • The Splurge : contiendra “toutes les autres choses amusantes”, comme l’a affirmé Vitalik. “Nous ne savons pas ce que 2023 nous réservera”, mais parmi les propositions figurent des solutions Zero-Knowledge (comme les ZK-EVM) et pour la résistance quantique.

L’étude et la mise en œuvre de ces changements, comme pour The Merge, nécessiteront du temps et des efforts, mais comme l’a dit Vinay Gupta en parlant de Serenity : “Réinventer l’ère digitale n’est pas facile, mais quelqu’un doit le faire. En ce moment, c’est nous”. Ethereum 2.0 sera-t-elle la blockchain de la prochaine ère ? Nous le découvrirons bloc par bloc.

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